Face à la menace d’un contexte plus difficile, la croissance du tourisme ralentit
L’économie canadienne est confrontée à des bouleversements sans précédent dans le contexte géopolitique de l’Amérique du Nord, voire du monde entier. Il est difficile de prévoir l’impact que les changements à venir auront sur le tourisme : d’une part, la valeur du dollar canadien par rapport aux devises internationales fait du Canada une destination attrayante, mais le sentiment social général et les décisions politiques pourraient pousser les visiteurs vers d’autres destinations. Les turbulences financières pourraient également miter les voyages intérieurs.
La capacité du tourisme à fournir des services d’excellence dépend tout autant de la pression de la demande (dépenses des visiteurs qui déterminent la capacité des entreprises à offrir des emplois dans leurs communautés) que de la pression de la main-d’œuvre (accès à un bassin de travailleurs qualifiés capables d’occuper ces emplois), qui fluctueront probablement toutes deux au cours des prochains mois.
En février 2025, le secteur du tourisme[1] a connu une légère croissance par rapport au mois précédent[2], largement soutenue par des gains dans les services de restauration, et compensée par des pertes dans l’hébergement. D’un point de vue général, la main-d’œuvre et l’emploi dans le secteur du tourisme ont été confortablement supérieurs à ceux de l’année dernière (+2,6 % et +3,0 %) et légèrement supérieurs à ceux de 2019.


Au niveau des secteurs associés, on observe une certaine volatilité par rapport à janvier, avec des gains nets de moins d’un pour cent dans l’ensemble du secteur, tant pour la main-d’œuvre que pour l’emploi. Les choses se sont améliorées à plus long terme, avec une croissance plus marquée des deux indices, bien que le secteur de l’hébergement ait continué à lutter, restant toujours dans une position plus vulnérable sur un marché du travail qui évolue très rapidement. Les données relatives aux services de voyage continuent de faire l’objet d’une certaine prudenceº: bien que nous soyons en mesure d’observer certaines tendances générales, les spécificités des estimations sont probablement faussées par la petite taille de l’échantillon.
Le tableau 1 donne un aperçu de la performance du tourisme et de chacun de ses cinq secteurs associés en termes de population active, d’emploi et de chômage, par rapport à janvier 2025 [variation mensuelle] et février 2024 [variation annuelle], et par rapport à février 2019 comme base de référence prépandémique. Les petites flèches représentent des changements de moins de 1 %, ou de moins d’un point de pourcentage (pp) dans le cas du chômage.

La croissance par rapport à janvier a été légère au niveau sectoriel, reflétant une tension entre les gains dans la restauration et les transports, et les pertes dans d’autres secteurs associés. La restauration et les loisirs et divertissements ont connu une forte croissance par rapport à l’année dernière, tandis que les transports ont enregistré des pertes en termes de main-d’œuvre et d’emploi. La main-d’œuvre dans son ensemble a atteint 102,6 % des niveaux de 2019, tandis que l’emploi s’est approché des 103 %.
Main-d’œuvre dans le secteur du tourisme
La main-d’œuvre touristique[3] en février 2025 représentait 9,8 % de l’ensemble de la main-d’œuvre canadienne, soit une très légère augmentation par rapport à janvier (+0,1 point de pourcentage). La main-d’œuvre a atteint 102,6 % de sa taille en février 2024, et a légèrement dépassé ses niveaux d’avant la pandémie (+1,4 point de pourcentage). Les tableaux 2a et 2b présentent un résumé de la main-d’œuvre du secteur du tourisme en février.

Janvier 2025 : Variation mensuelle
La main-d’œuvre touristique globale a augmenté de plus de 16 000 personnes par rapport à janvier, soit une hausse d’un peu moins d’un pour cent. Cette augmentation est principalement due à la croissance des services de restauration, qui ont ajouté près de 23 000 personnes à leur propre réserve de travailleurs disponibles (+2,3 %). Les transports ont enregistré des gains plus modestes (4 000, +1,1 %), tandis que l’hébergement a perdu plus de 5 % de sa main-d’œuvre. Les services de loisirs et de divertissement et les services de voyage sont restés pratiquement inchangés.
Février 2024 : Variation annuelle
Par rapport à février dernier, la main-d’œuvre du secteur a gagné environ 56 000 personnes, principalement dans la restauration (+6,5 %, soit près de 63 000 personnes supplémentaires) et les loisirs et divertissements (+4,2 %, soit 24 000 personnes). Le secteur des transports est inférieur de près de 7 % à son niveau de 2024, et celui de l’hébergement de près de 5 % également. Les services de voyage ont enregistré une croissance de plus de 10 %, mais il s’agit peut-être d’un produit de l’échantillonnage.
Février 2019 : Situation de référence prépandémique
Au niveau sectoriel, la main-d’œuvre touristique a dépassé les niveaux de 2019 d’un peu plus de 30 000 personnes, soit une augmentation de 1,4 %. Les secteurs de l’hébergement et des services de voyage sont restés les plus affectés, affichant dans les deux cas une baisse d’environ 20 % par rapport à leur niveau d’il y a six ans. La perte absolue de travailleurs dans l’hébergement, probablement plus fiable que celle observée dans les services de voyage, s’est élevée à près de 38 000 personnes. Les loisirs et les divertissements ont enregistré les plus fortes hausses, soit environ 12 %, ce qui représente 66 000 personnes disponibles ou à la recherche d’un emploi dans ce secteur.

Emploi dans le secteur du tourisme
L’emploi dans le secteur du tourisme[4] représentait 9,9% de l’emploi total au Canada, et 9,2% de la population active canadienne totale travaillait dans une industrie touristique. Ces deux chiffres sont très légèrement supérieurs à ceux de janvier (+0,1 point de pourcentage). L’emploi touristique en proportion de l’ensemble de l’emploi au Canada était légèrement plus élevé qu’en février 2019, mais l’emploi touristique en proportion de l’ensemble de la population active canadienne est demeuré un point de pourcentage en deçà des niveaux antérieurs à la pandémie. Les tableaux 3a et 3b présentent un résumé de l’emploi touristique en février.

Janvier 2024 : Variation mensuelle
En février, l’emploi dans le secteur du tourisme a légèrement augmenté par rapport à janvier, en particulier dans les services de restauration, où plus de 13 000 personnes ont commencé à travailler dans ce secteur. Les loisirs et les divertissements (+6 800) et les transports (+4 200) ont également connu de légères augmentations, tandis que l’hébergement a enregistré une baisse d’environ 4 % d’un mois sur l’autre, soit une perte de plus de 6 000 travailleurs.
Février 2024 : Variation annuelle
Par rapport à l’année précédente, l’emploi dans le secteur a augmenté de 3 %, avec un gain net de près de 60 000 personnes. La majeure partie de cette croissance a été enregistrée dans la restauration, qui a accueilli à eux seuls près de 69 000 personnes. Les loisirs et les divertissements ont également gagné environ 15 000 travailleurs, tandis que les transports ont enregistré des pertes substantielles : 25 500 personnes ont quitté l’industrie, soit une perte de 6,5 %. L’hébergement a enregistré des pertes moins importantes, mais a poursuivi la tendance générale à la perte de travailleurs observée ces derniers mois.
Février 2019 : Situation de référence prépandémique
Dans l’ensemble, le secteur a progressé de près de 1 % par rapport à février 2019, soit une croissance nette d’un peu plus de 18 000 personnes. Malheureusement, ce solde net se compose d’une très forte croissance dans les loisirs et les divertissements (+55 000, +11 %) qui compense les pertes substantielles dans l’hébergement (-32 800) et les services de voyages (-12 400).

Emploi à temps partiel ou à temps plein
Le rapport entre le travail à temps partiel et le travail à temps plein donne des indications intéressantes sur la stabilité de la main-d’œuvre et peut révéler des tendances à long terme vers de nouvelles modalités de travail après la pandémie. Si le secteur est confronté à des défis liés à la demande au cours des prochains mois, cela peut également être un indicateur précoce de la reconfiguration des exploitants en réponse à des pressions externes indépendantes de leur volonté. La figure 1 donne un aperçu du pourcentage d’emplois à temps partiel dans les différents secteurs associés, en utilisant la définition de l’emploi à temps plein de Statistique Canada (travailler 30 heures ou plus par semaine).

En tant que secteur, le tourisme semble revenir aux modèles d’emploi d’avant la pandémie, même si des fluctuations persistent au niveau des différents secteurs associés. L’hébergement étant confronté à des pénuries de personnel, il n’est pas surprenant de constater que son ratio de travailleurs à temps partiel est resté inférieur aux niveaux de 2019, bien que la hausse de 1,7 point de pourcentage par rapport à janvier soit plus difficile à expliquer. La restauration est revenue à son ratio d’avant la pandémie, diminuant légèrement par rapport à janvier et plus substantiellement par rapport à l’année dernière. Le secteur des loisirs et du divertissement continue d’afficher des taux d’emploi à temps partiel plus élevés qu’en 2019, ce qui indique qu’un grand nombre des nouveaux arrivants de ces derniers mois sont des travailleurs à temps partiel. Le secteur des transports a vu sa part de travailleurs à temps partiel augmenter par rapport à janvier et à l’année dernière, se rapprochant de son ratio de 2019. Les services de voyages ont poursuivi la tendance générale à la baisse de l’emploi à temps partiel, avec 4 points de pourcentage de moins qu’avant la pandémie.
Heures travaillées
Le nombre total d’heures travaillées est un autre indicateur utile pour évaluer la stabilité du marché du travail (voir figure 2), car cet indice peut réagir plus immédiatement aux changements de la demande des consommateurs que les seuls chiffres bruts de l’emploi. Comme pour le ratio du travail à temps partiel, cette mesure peut s’avérer être un indicateur précoce d’un autre changement systémique de l’emploi dans le secteur en réponse à l’évolution de la situation au Canada et dans le monde.

Le nombre total d’heures travaillées au niveau sectoriel a légèrement augmenté par rapport à janvier (+1,6 %) et à février 2024 (+1,8 %), bien qu’il soit resté inférieur de 2,5 % à celui de 2019. Au niveau des secteurs associés (voir figure 3), la perspective d’une année sur l’autre montre que la restauration, les loisirs et les divertissements, ainsi que les transports sont plus ou moins revenus aux chiffres d’avant la pandémie. Dans le cas des services de restauration, le chiffre de février 2024 était inférieur à la trajectoire de croissance régulière observée depuis 2021. Dans les secteurs des loisirs et divertissements et des transports, le nombre total d’heures travaillées a diminué par rapport à l’année dernière, de manière assez importante dans les transports (environ -12 %) ; compte tenu de la baisse de l’emploi d’une année sur l’autre (environ -11 %), cette évolution n’est pas inattendue. Dans le secteur de l’hébergement, la trajectoire de lente croissance semble s’être interrompue en 2025. Les services de voyages sont restés largement inchangés par rapport à l’année dernière et sont restés légèrement en dessous des niveaux de 2019.

Chômage
Le taux de chômage[5] dans le secteur du tourisme en février 2025 était de 6,0 %, soit environ 0,7 point de pourcentage de moins que la moyenne nationale de l’économie (6,7 %, calculée à partir de données non désaisonnalisées). Le tableau 4 présente une synthèse des taux de chômage nationaux dans le secteur du tourisme.

Janvier 2025 : Variation mensuelle
Le taux de chômage du secteur touristique est resté inchangé par rapport à janvier, bien qu’il y ait eu de légers changements au niveau des secteurs associés. Le taux de chômage dans l’hébergement a baissé de 1,4 point de pourcentage, ce qui reflète le fait que les pertes dans la population active ont été plus importantes que dans l’emploi pour ce secteur associé. Le taux de chômage a également baissé dans le secteur des loisirs et du divertissement, et est resté relativement stable dans le secteur des transports. Les services de restauration ont connu une légère augmentation de leur taux de chômage (0,8 point de pourcentage). Le taux de chômage dans les services de voyage a été estimé à 5,9% en janvier, mais il n’y a pas de données disponibles pour février aux fins de comparaison.
Février 2024, 2019 : Variation annuelle
Les taux de chômage dans l’ensemble des secteurs associés du tourisme étaient généralement légèrement inférieurs cette année à ce qu’ils étaient en février 2024, à l’exception des loisirs et du divertissement, pour lesquels le taux avait augmenté de 1,2 point de pourcentage. La baisse la plus importante a été enregistrée dans le secteur de l’hébergement, qui a perdu 3 points de pourcentage. Cela reflète la perte d’environ 7 600 personnes dans la population active par rapport à la perte de seulement 2 100 personnes dans l’emploi : les travailleurs de l’hébergement au chômage ont soit quitté la population active, soit changé d’industrie ou de secteur. Le taux de chômage global en février était supérieur d’environ 0,5 point de pourcentage à ce qu’il était en 2019, et il y a eu quelques variations entre les secteurs associés. Le taux de chômage dans l’hébergement a légèrement baissé, tout comme dans le transport, tandis qu’il a légèrement augmenté dans la restauration et les loisirs et divertissements.
Chômage provincial dans le secteur du tourisme
Au niveau national agrégé, le taux de chômage dans le secteur du tourisme était inférieur à la moyenne de l’ensemble de l’économie nationale (voir figure 4), une tendance qui s’est maintenue dans la plupart des provinces en dehors de la région de l’Atlantique. Comme c’est souvent le cas en hiver, le taux de chômage dans le secteur du tourisme était à deux chiffres au Nouveau-Brunswick, à l’Île-du-Prince-Édouard et à Terre-Neuve-et-Labrador, et bien qu’il soit nettement inférieur en Nouvelle-Écosse, le taux de chômage dans le secteur du tourisme était néanmoins plus élevé que celui de l’ensemble de l’économie provinciale. Dans l’ensemble, les taux de chômage touristique étaient les plus élevés à l’Île-du-Prince-Édouard (19,5 %) et à Terre-Neuve-et-Labrador (18,3 %), et les plus faibles au Québec (3,9 %) et en Saskatchewan (4,9 %).

Voir notre Veille sur la main-d’main-d’œuvre en tourisme.
[1] Tel que défini par le Compte satellite du tourisme canadien. Les industries du SCIAN incluses dans le secteur du tourisme sont celles qui cesseraient d’exister ou fonctionneraient à un niveau d’activité considérablement réduit en conséquence directe de l’absence de tourisme.
[2] SOURCE : Enquête sur la population active de Statistique Canada, tableaux personnalisés. Basé sur des données non désaisonnalisées recueillies pour la période du 9 au 15 février 2025.
[3] The labour force comprises the total number of individuals who reported being employed or unemployed (but actively looking for work). The total Canadian labour force includes all sectors in the Canadian economy, while the tourism labour force only considers those working in, or looking for work in, the tourism sector.
[4] L’emploi désigne le nombre total de personnes occupant un emploi. L’emploi dans le tourisme se limite au secteur touristique, tandis que l’emploi au Canada englobe tous les secteurs et toutes les industries.
[5] Le chômage est calculé comme la différence entre les estimations non désaisonnalisées de la population active et les estimations non désaisonnalisées de l’emploi. La valeur en pourcentage est calculée par rapport à la population active.