L’emploi dans le secteur du tourisme jusqu’en 2025

Depuis que la COVID-19 a frappé le secteur du tourisme au Canada, l’activité touristique a chuté à des niveaux inimaginables. Au cours de l’été, le taux d’occupation hebdomadaire moyen le plus élevé des hôtels au Canada n’a atteint que 42,9 pour cent[1]. Le nombre de passagers des principales compagnies aériennes canadiennes a atteint 440 000 au mois de juin, soit 6,7 millions de passagers de moins que le même mois de l’année précédente[2]. Et avec la fermeture de la frontière, le nombre de touristes venant au Canada s’est effondré, passant de millions d’individus par mois à l’été 2019, à 67 787 en juillet dernier[3].

Les perspectives pour le tourisme sont sombres. Les projections économiques de groupes tels que Destination Canada prévoient que si les frontières restent fermées jusqu’en 2021, la demande touristique totale (qui comprend le tourisme international et national) diminuera d’au moins 43 pour cent, et peut-être même de 61 pour cent[4]. L’Association internationale du transport aérien (IATA) estime aujourd’hui que le trafic mondial de passagers ne retrouvera pas les niveaux d’avant la COVID avant 2024[5].

RH Tourisme Canada voulait comprendre l’incidence que cela aurait sur l’emploi, en tenant compte non seulement de la demande des touristes, mais aussi de la composante des dépenses locales. Pour ce faire, nous avons travaillé avec le Conference Board du Canada afin d’adapter son modèle d’offre et de demande de main-d’œuvre touristique pour projeter les niveaux d’emploi dans le secteur du tourisme jusqu’en 2025, avec des estimations trimestrielles de l’emploi pour 2020 et 2021.

Les projections ont utilisé les dernières données du Module des ressources humaines provinciales et territoriales de Statistique Canada de 2018, complétées par les données de l’Enquête sur la population active, pour démontrer qu’il y avait environ 1,88 million d’emplois à l’année dans le secteur du tourisme au Canada en 2019[6].

Les perspectives d’emploi reposent sur des hypothèses concernant les indicateurs économiques généraux et les niveaux spécifiques de la demande de produits et services touristiques de la part des touristes nationaux, des touristes internationaux et de la demande non touristique (locaux). La demande locale est incluse, car de nombreuses entreprises touristiques (restaurants, terrains de golf et autres activités de loisirs) vendent leurs biens et services aux résidents locaux qui ne sont pas des touristes. En outre, des hypothèses ont été formulées quant au rapport entre les revenus et l’emploi sur la base des tendances observées à ce jour. Dans l’immédiat, nous savons que l’emploi n’a pas diminué autant que les revenus. Cela est dû au fait que les entreprises ont réduit leurs marges bénéficiaires, se sont endettées ou ont eu recours à des subventions gouvernementales pour garder leur personnel jusqu’à ce que les perspectives de revenus s’améliorent. Avec le temps, on s’attend à ce que les revenus et l’emploi reviennent à l’équilibre à mesure que les subventions gouvernementales seront supprimées et que les entreprises touristiques adapteront leurs besoins en main-d’œuvre à la réalité post-COVID.

Pour 2020, on estime que la demande non touristique diminuera de 29,2 pour cent, la demande touristique intérieure de 49,0 pour cent et la demande touristique internationale de 76,0 pour cent (toutes par rapport à 2019). Les dépenses dans le secteur du tourisme provenant de ces trois sources resteront faibles en 2021 et 2022. La demande non touristique et la demande touristique intérieure devraient retrouver les niveaux de 2019 en 2023, tandis qu’il faudra attendre 2025 pour que la demande touristique internationale retrouve pleinement son niveau d’avant la COVID.

Tableau 1 : Prévision de la demande de produits et services touristiques, par rapport à 2019

 Tourisme intérieurTourisme international  Demande non touristique
2020-49,0 %-76,0 %-29,2 %
2021-19,1 %-23,0 %-12,0 %
2022-4,0 %-15,0 %-2,0 %
Source: Le Conference Board du Canada.

Les répercussions sur l’emploi seront importantes. Le nombre d’emplois touristiques à l’année devrait être inférieur de 27,3 pour cent en 2020 par rapport à 2019. Les sous-secteurs les plus durement touchés sont les services de voyages (-33,3 %), les loisirs et divertissements (-31,5 %) et l’hébergement (-31,4 %). L’emploi dans le secteur du tourisme au Canada ne reviendra pas aux niveaux de 2019 avant l’année 2023. Le sous-secteur de l’hébergement ne retrouvera pas les niveaux d’emploi de 2019 avant 2024.

À plus court terme, l’emploi dans le secteur du tourisme a chuté au cours du premier trimestre de 2020 en raison des pertes d’emplois en mars, puis a connu une chute vertigineuse au cours du deuxième trimestre, lorsque les fermetures ont pris toute leur ampleur. L’emploi s’est redressé au troisième trimestre (juillet, août, septembre) en raison de l’assouplissement des fermetures. Cependant, on s’attend à ce que l’emploi diminue à nouveau au quatrième trimestre, car la demande saisonnière, qui est la plus forte en été, diminue. Il rebondira à nouveau au premier trimestre de 2021, en raison des prévisions d’assouplissement des restrictions sur les voyages internationaux et de la reprise économique générale. La croissance de l’emploi se poursuivra jusqu’au troisième trimestre de 2021, suivie d’une nouvelle baisse saisonnière au quatrième trimestre.

Répercussions sur l’emploi par province/territoire

En 2020, la perte d’emplois à l’année par rapport à 2019 devrait varier de 32,7 pour cent dans les territoires à 26,5 pour cent au Manitoba. Le tableau de la relance de l’emploi est similaire dans la plupart des provinces, égalant ou dépassant légèrement le nombre d’emplois à l’année de 2019 d’ici 2023, à l’exception du Nouveau-Brunswick, qui ne devrait pas récupérer complètement avant 2024, et de Terre-Neuve-et-Labrador, où les niveaux d’emploi seront inférieurs à ceux de 2019 jusqu’en 2025.

Répercussions sur les revenus dans les sous-secteurs du tourisme

Les répercussions sur les revenus dans les sous-secteurs du tourisme sont également sévères. Globalement, les revenus de toutes les sources devraient diminuer de 47,1 pour cent en 2020. L’effet sera particulièrement ressenti dans les services de voyages, le transport aérien et le transport ferroviaire, même si tous les sous-secteurs du tourisme perdront près de la moitié de leurs revenus cette année.

Tableau 2 : Demande touristique et non touristique connexe au Canada (En millions de $2019)

 201920202021
Transport*113 59063 787100 346
     Transport aérien27 47011 98723 484
     Transport ferroviaire443195382
     Autres transports85 67751 60576 481
Hébergement17 4007 32014 871
Restauration80 74243 95868 813
Loisirs et divertissements23 37112 94819 781
Services de voyages4 9161 5384 151
Autre (sous-secteurs non touristiques)    21 1878 57916 839
DEMANDE TOTALE*261 206138 131224 801
Source : Le Conference Board du Canada.

Les revenus resteront bien en deçà des niveaux de 2019 en 2021, avec une baisse globale de 13,9 pour cent, et ne devraient pas retrouver les niveaux de 2019 avant 2023. Pour les sous-secteurs qui dépendent le plus des touristes internationaux, l’attente sera encore plus longue.

Les revenus du tourisme se sont effondrés, tout comme l’emploi dans les sous-secteurs du tourisme, mais pas dans un rapport de un à un. L’emploi a mieux résisté que les revenus ne le suggèrent. Cela s’explique en partie par le fait que de nombreuses entreprises touristiques vendent également leurs biens et services aux résidents locaux. De plus, les entreprises sont prêtes à puiser dans leurs marges bénéficiaires et leurs marges de crédit afin de rester actives tout en fonctionnant à perte, afin de garder leur personnel par loyauté et pour ne pas avoir à le réembaucher lorsque les conditions s’amélioreront. En partie, c’est aussi parce que les subventions gouvernementales, comme la Subvention salariale d’urgence du Canada (SSUC), permettent de conserver le personnel dans ces conditions, même lorsque l’entreprise fonctionne avec des marges réduites, voire à perte. Dans chaque entreprise, une combinaison différente de ces facteurs est en jeu.

Malgré cela, les pertes d’emploi ont été importantes. Lorsque les entreprises ont été totalement fermées en mars et avril, plus de 880 000 personnes employées dans le tourisme ont perdu leur emploi, soit une perte de 43,3 pour cent par rapport à février. Depuis mai, l’emploi a remonté, mais en juillet et août, au plus fort de la saison estivale, le nombre de personnes employées dans le secteur du tourisme était inférieur de 557 200 et 463 500 à celui de juillet et août 2019, respectivement.

Les niveaux d’emploi d’avant la COVID ne reviendront pas avant 2023, et cela suppose qu’il n’y ait pas d’autres fermetures du niveau de celles observées en mars et avril. Il est également important de se rappeler que le nombre de travailleurs dans le secteur du tourisme n’a cessé d’augmenter et qu’avant la COVID, on s’attendait à ce que cette tendance se poursuive. Le dernier aperçu de l’offre et de la demande de main-d’œuvre produit par le Conference Board du Canada avant la COVID avait estimé que l’offre de travailleurs serait en mesure de combler 1 934 521 emplois à l’année en 2023, soit 44 600 emplois de plus que prévu après la COVID-19[7]. Au cours des prochaines années, la population active continuera de croître à mesure que les jeunes, qui représentent 31 pour cent de la main-d’œuvre touristique, entreront sur le marché du travail. Dans les perspectives actuelles, bon nombre des premiers emplois offerts par le tourisme ne seront pas disponibles.

Téléchargez le rapport complet, intitulé « Les répercussions de la COVID-19 sur l’emploi et les revenus du secteur touristique », ici.


[1] STR : Résultats des hôtels au Canada pour la semaine se terminant le 22 août, https://str.com/press-release/str-canada-hotel-results-week-ending-22-august

[2] Statistique Canada. Tableau 23-10-0079-01 Statistiques d’exploitation et financières des principaux transporteurs aériens canadiens, mensuel

[3] Statistique Canada. Tableau 24-10-0043-01 Touristes internationaux entrant ou revenant au Canada selon la province d’entrée

[4] Mise à jour des prévisions de la demande touristique de Destination Canada (juillet 2020), https://www.destinationcanada.com/fr/mises-a-jour-sur-le-coronavirus/recherche-sur-la-situation-liee-a-la-covid-19

[5] La reprise est retardée par l’interdiction des voyages internationaux https://www.iata.org/contentassets/7cf5b9744af34a67a8b7cc940114aa92/2020-07-28-02-fr.pdf

[6] Dans le cadre de cette étude, un emploi est défini comme un travail régulier pendant la période d’un an. Si le travail n’existe que pour une fraction de l’année (par exemple, 3 mois ou ¼ de l’année), il ne compte que pour la fraction correspondante d’un emploi. Cela entraîne une différence entre le nombre d’emplois rapporté ici et les données de l’Enquête sur la population active qui comptabilise le nombre d’individus travaillant dans le tourisme à un moment donné. Alors qu’il y avait 1,88 million d’emplois à l’année dans le tourisme en 2019, l’enquête sur la population active montre qu’avant la COVID-19, environ 2,2 millions de Canadiens étaient employés dans le secteur du tourisme.

[7] L’avenir du secteur du tourisme au Canada : Résultat essentiel : Le point sur les perspectives de croissance dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre

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